Contrôle fiscal et crédit d’impôt recherche : comment répondre au contrôleur et à l’expert ?
L’entreprise vient de recevoir un avis de contrôle de son crédit d’impôt recherche, ou une demande de justificatif avant un remboursement de CIR . Comment y répondre et quelles actions sont à prévoir pour défendre au mieux son crédit d’impôt recherche ?
Le crédit d’impôt recherche est une puissante aide financière. Depuis 30 ans, les entreprises apprécient ce dispositif car il est déclaratif et il donc rapidement calculé. La dernière vague de contrôles fiscaux, détaillée dans l’actualité médiatique de la rentrée, a cependant rappelé aux entreprises bénéficiaires qu’elles devaient soigner leur préparation à un contrôle. Nombreuses d’entre elles se sont retrouvées dans des situations très délicates à la suite d’un contrôle mal préparé.
Pour rappeler le contexte, lors d’un contrôle fiscal, l’administration peut, – même si ce n’est pas une obligation – , demander l’intervention d’un expert du Ministère de la Recherche pour juger de l’éligibilité des thèmes de R&D. Un expert indépendant mandaté par le Ministère de la Recherche réalisera une expertise sur la base des documents envoyés par l’entreprise. L’administration fiscale n’est pas engagée par l’avis de l’expert mais l’avis de ce dernier est souvent suivi. Il faut savoir que l’expert est assez peu rémunéré pour sa prestation. Selon nos informations, les experts ne disposent que de 3 jours maximum pour réaliser une expertise complète, questions et réponses à l’entreprise comprises. C’est extrêmement court. Il n’y aura donc pas plusieurs aller-retours. Enfin, les experts ne sont pas toujours des spécialistes des domaines dans lesquels l’entreprise évolue. Il est arrivé qu’un docteur en sciences de gestion juge du dépassement de l’état de l’art d’un projet de développement embarqué.
L’entreprise n’aura pas plusieurs chances de convaincre
Lors d’un contrôle fiscal, l’entreprise doit faire bonne impression tant vis-à-vis du contrôleur que de l’expert du Ministère de la Recherche. A ce stade, elle n’aura pas plusieurs chances pour défendre son dossier de crédit d’impôt recherche. Le premier dossier doit être le bon, si l’on veut éviter le contentieux.
Avec l’expérience, quelques principes généraux peuvent être dégagés :
- ne pas rédiger le dossier justificatif au dernier moment, quand le contrôle fiscal est déclenché,
- s’appliquer dans la rédaction de ce dossier justificatif,
- ne jamais prendre à la légère une demande de justification du crédit d’impôt qu’il vienne d’un contrôleur ou d’un expert du Ministère de la Recherche,
- n’envoyer que des documents complets, avec l’ensemble des pièces justificatives et un solide contenu scientifique,
- demander un délai supplémentaire si le dossier justificatif n’est pas prêt,
- appeler à l’aide un conseil externe, comme nos consultants, le plus tôt possible dans la procédure, avant que le Ministère de la Recherche n’ait fait un rapport d’expertise,
- répondre précisément aux demandes de renseignements supplémentaires de l’expert du Ministère de la Recherche,
- contre-argumenter avec beaucoup de détails face à une expertise même partiellement négative.
Une équipe ad-hoc pour la défense du dossier
Il est fréquent de constater que le chercheur ou l’ingénieur n’est pas un excellent rédacteur, même si sur le fond, ses travaux de R&D sont parfaitement éligibles. Un rédacteur scientifique connaissant bien les arcanes du crédit d’impôt recherche, des définitions de l’OCDE (Manuel de Frascati) et des autres publications sur le sujet, saura mieux décrire les travaux. Son exposé permettra à un expert du Ministère de la Recherche de mieux juger de l’éligibilité des thèmes. Par exemple, il est essentiel de voir dans le dossier toutes les étapes de la recherche ou les sous-projets, certains étant à la limite de l’éligibilité, voire même les travaux volontairement exclus du CIR. Ce détail devrait empêcher un rejet de l’intégralité du CIR comme on le constate souvent.
Quand nous sommes appelés par des entreprises pour défendre ou consolider le dossier scientifique d’un CIR contrôlé, nous demandons à monter rapidement une équipe ad-hoc. Il s’agit de rassembler avec nos consultants les chercheurs de l’entreprise ou les chefs de projets, le directeur financier et le fiscaliste interne ou externe, pour dérouler un processus structuré. Lors d’une première réunion de travail, nous échangeons rapidement sur le fond, avec les chercheurs sur la base du dossier justificatif déjà élaboré. Comme pourrait le faire un expert du Ministère de la Recherche, nos consultants effectuent de rapides recherches documentaires pour faire une revue des thèmes, de la bibliographie et de l’état de l’art. L’ensemble des pièces administratives jusqu’aux plus anodines est aussi examiné. Quelques jours plus tard, un état du dossier est présenté à l’entreprise avec les points noirs, tant sur le fond des dossiers (étude biblio, dépassement de l’état de l’art, démarche scientifique …) que sur la forme. Une liste d’actions correctrices urgentes est alors détaillée. Nos consultants et les chercheurs ou ingénieurs de l’entreprise travaillent alors ensemble en plusieurs séances, généralement sur site, pour remanier les dossiers et mettre en avant tous les critères d’éligibilité des thèmes de recherche au CIR. Les justificatifs administratifs manquants seront aussi rassemblés.
L’entreprise peut aussi adopter seule cette même organisation et ce processus. Ce processus complet peut prendre une à deux semaines. Pourtant, il permet de réduire significativement les risques de reprise d’un crédit d’impôt recherche mal documenté.
La défense en cours de contrôle fiscal représente un budget
Le temps de préparation de dossier de crédit d’impôt recherche et sa défense en cas de contrôle sont souvent sous-estimés. Au delà de la désorganisation qu’elles provoquent si l’entreprise n’est pas suffisamment prête, ces actions correctrices coûtent relativement cher.
Par exemple, une entreprise dans le secteur des services informatiques a calculé avoir passé 15 jours/homme, à défendre son crédit d’impôt recherche lors d’un contrôle fiscal qui a duré 7 mois. C’est l’équivalent de 15.000 euros de CA non facturé, pour un crédit d’impôt recherche de 200.000 euros, soit 7.5% du montant du CIR, juste pour sa défense en cours de contrôle.
Certes, ces travaux représentent un budget mais ils éviteront de coûteuses dépenses en contentieux administratif avec au final un remboursement partiel, voire totale de ces crédits d’impôts.
La situation normale et plus sereine reste bien évidemment de documenter ses travaux, au fil de l’eau, dans un processus bien structuré, sans attendre un contrôle. C’est d’ailleurs une prestation de management de l’innovation que nous effectuons pour des PME et des PMI.